« Pas bouger! »


Les fléchés et les acéphales

Certains animaux sont criblés de flèches, est-ce un fait d’arme où le chasseur vante ses mérites? Et qu’en est il des animaux représentés sans tête? Pourquoi l’humain est il représenté de façon parcellaire, morcelé, la tête isolée, ou s’il est entier certaines parties de son corps est animalisée par des masques, des postiches…

On pourrait regarder le problème dans un autre sens : n’y aurait il que les éléments de puissance qui seraient représentés « coupés » .

Les fléchés

L’animal fléché, coupé, entaillé par une flèche n’est plus en possibilité de bouger. Sa puissance et par là même la peur qu’il inspire sont anéanties. On retrouve dans les failles de certaines grottes des serpents acéphales, le corps sans tête est placé dans la fissure. Il existe, est localisé et identifié mais il ne décide plus. Le serpent évocateur du courant d’eau est alors maitrisé. *2

L’auroch ou le bison lancé dans sa course déferlante est aussi arrêté par les flèches qui le cloue sur place. Certaines représentations montrent en echo* un animal et un humain dont la flèche traverse la même partie du corps. Est-ce une façon de dire que ce que l’on fait à l’animal nous affecte nous-même? Le « qui a tué par le glaive périra par le glaive » peut s’appliqué à qui a blessé porte en lui la marque physique ou morale de cette acte.

Lame osseuse d’isturitz montrant sur le resto un bison fléché, sur le verso une femme à la jambe fléchée

Les acéphales

La tête de l’homme est sa plus grande puissance, il n’a pas la force d’un animal, mais sa faculté d’adaptation le place au dessus de tout ce règne auquel il appartient. L’humain n’a jamais été représenté dans sa totalité durant la longue période de la préhistoire. Si le corps est entier alors certaines de ses parties sont « bestialisées », ou alors il est incomplet *1 .

Qu’est ce qui empêcherait la possibilité de représenter l’Homme dans sa totalité? C’est probablement la peur que l’on capte son esprit. Il serait alors figé pour l’éternité au fond de la grotte dans les espace de dévotion et d’incantation, dans un espace soumit à la pulsation mort/vie.

Image de soi en préhistoire . O Fuentes p171-192

La paroi gravée ou peinte invoque l’esprit animal au moment de la reproduction, la période du rut est souvent évoquée, elle est l’acmé envoyée à « la grande puissance agissante » de la paroi *2 en demande de pérennité des troupeaux, demande de survivance grâce à la chasse notamment, grâce à la puissance d’observation. Figer l’humain dans cette demande éternelle reviendrait à emprisonner l’esprit de l’homme médiateur qu’est le chaman, le « maître des animaux » sur cet entre-monde qu’est la paroi.

Les troupeaux sont « emprisonnés« , parqués au fond des profondeurs de la terre, là d’où ils sont supposés être issus. C’est du ventre de la terre que nait toute forme de vie, cela est évoqué dans les mythes de résurgence. C’est donc le lieu d’où surgit toute vie, mais c’est aussi le lieu de disparition où lors des hivers la terre reprend son bien, le fait murir et le restitue dans un éternel cycle mort/vie. C’est de ça dont il s’agit, de cette pulsation. C’est à cette terre qui donne et qui reprend qu’il faut venir demander, là en son sein?

L’image est investie d’une puissance de vie, c’est ce que démontre la suggestion des mouvements. Arrêter ce mouvement enlève la puissance vitale de l’animal, donner le mouvement le rend éternellement vivant.

BONUS

*1 – Article expliquant la représentaion du corps humain au magadalenien

*2 – Autre article concernant les serpents gardiens des points d’eau.

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